Dernière mise à jour : décembre 2019
Disclaimer: cette tribune a été publiée il y a plusieurs années, quand l’ancienne procédure d’admission avec concours était encore en place. En conséquence, les modalités d’admissions citées ne sont plus à jour, tout comme les chiffres mentionnés. Cette tribune reste néanmoins profondément actuelle dans son message qui reflète la raison d’être de SOSciences Po et réaffirme ses valeurs les plus importantes.
ÉTUDIANTS·ES DE ZONES RURALES ET DE BANLIEUES : VOUS AVEZ – VOUS AUSSI – VOTRE PLACE À SCIENCES PO !
J’étais dans la même situation que vous il y a deux ans. Pourquoi devrais-je tenter Sciences Po alors que l’école recherche probablement des étudiants de lycées parisiens – imprégnés de la richesse culturelle de la capitale – et certainement pas une lycéenne de ZEP issue du beau milieu de nulle part ? Il semblerait cependant que j’ai eu tort à l’époque puisque preuve en est, je suis bel et bien étudiante en seconde année à Sciences Po. Cet article s’adresse à tous ces lycéens qui – comme moi à l’époque – s’autocensurent en pensant que Sciences Po ne leur est pas accessible.
Vous et moi ne sommes pas les seuls à avoir été convaincus à un moment ou un autre que notre place n’était pas parmi les étudiants de Sciences Po. D’ailleurs, c’est peut-être le cas de la plupart des étudiants ayant grandis en banlieues ou en zones rurales. Parfois même, nous ne savons même pas réellement ce qu’est Sciences Po, ou l’apprenons sur le tard.
Face à cette impasse, nombreux sont les élèves qui n’osent pas tenter l’école, sous prétexte qu’ils ne se considèrent pas assez bien face à d’autres. Pour autant, il y a chaque année un grand nombre d’étudiants admis qui proviennent des mêmes endroits que vous.
Moi-même issue de CEP (Convention d’Éducation Prioritaire), j’étais au lycée à Troyes et je n’avais pas prévu de candidater avant la fin du premier trimestre de terminale (preuve qu’il n’est jamais trop tard). Fort heureusement, une de mes professeures m’a poussé à participer au concours. Hélas, je demeure consciente que tout le monde n’a pas cette chance, ce pourquoi j’ai décidé de vous expliquer en quatre points pourquoi vous devriez tout de même essayer d’intégrer l’école.
- En être arrivé·es à la lecture de cet article constitue déjà une étape déterminante.
S’il y a bien quelque chose que j’ai appris au cours de mes trois années de lycée, c’est bien que lorsqu’il s’agit de s’informer sur les grandes écoles françaises, rares sont les dispositifs mis en place par le secondaire pour vous donner les renseignements nécessaires.
Dans l’imaginaire de la plupart des équipes pédagogiques, il n’est pas encore envisageable d’entrer à Sciences Po lorsqu’on vient de province ou de banlieue. Bien que l’école se soit ouverte à tous grâce à la discrimination positive il y a des années, nombre d’enseignants et de conseillers de toutes sortes envisagent encore la démarche comme très marginale, complexe et presque vaine. Ils n’auront donc pas tendance à vous dire que Sciences Po (ou toute autre formation sélective), constitue aussi l’une de vos possibilités et vous dirigeront parfois vers d’autres formations.
Malgré cet obstacle, il semblerait que par votre réflexion, vous ayez jugé de bon de vous renseigner sur l’école, quand bien même on ne vous en a peut-être jamais parlé ou que celle-ci vous semble très lointaine (tant symboliquement que physiquement).
Cette première pierre à l’édifice est fondamentale puisqu’elle prouve deux choses : 1) Vous vous posez la question de savoir si vous avez une chance d’entrer à Sciences Po, ce qui veut dire que vous estimez déjà avoir certaines capacités vous permettant peut-être d’y entrer. 2) En cherchant une réponse à votre question, vous êtes tombés ici, et tomberez sans doute sur un tas de ressources et témoignages d’étudiants avec un parcours similaire au vôtre, ce qui devrait vous rassurer.
- Vous êtes singuliers·es.
Toutefois, vous devez encore sûrement vous demander : pourquoi l’école s’intéresse-t-elle à des étudiants de provinces et de banlieues ? Tout simplement parce que ce qu’elle recherche, c’est un potentiel à développer, qu’importe que les étudiants soient déjà très bons parce qu’ils ont par chance grandi dans un univers privilégié, ou qu’ils aient au contraire quelques lacunes. D’ailleurs, venir de banlieue ou de province ne signifie pas nécessairement que vous en ayez.
Justement, les jurys responsables des admissions à Sciences Po auront même tendance à remarquer votre persévérance et votre ambition, quand bien même tous les moyens de réussir n’étaient pas à votre disposition. C’est ça votre force.
Vous n’êtes pas différents, car comme je l’ai dit plus haut, nombreux sont dans le même cas que vous. En revanche, vous avez probablement dû trouver vos propres techniques pour cultiver vos centres d’intérêt. Outre le fait que ces techniques intéresseront sans doute les jurys d’admission en ce qu’elles sont uniques, cela vous aidera aussi dans le sens où vous devez sûrement avoir développé votre propre esprit critique, puisque vous avez découvert ce que vous savez aujourd’hui en faisant vos propres recherches, expériences et découvertes. Cette curiosité est l’un des prérequis des étudiants de l’école, qu’importe leurs origines.
- Vous n’êtes pas seuls·es.
Après deux années au sein de l’école, je pense pouvoir vous dire sans me tromper que mon admission n’était pas une exception. La promotion de CEP s’agrandit chaque année, et parmi l’ensemble des étudiants, beaucoup d’autres ne viennent pas de lycées parisiens et n’ont pas forcément des parents très fortunés ou de catégories socio-professionnelles très élevées. Quand bien même, les 1826 élèves de CEP admis depuis le début du programme en 2001 sont plus qu’évocateurs ; et Frédéric Mion – en insistant sur la volonté d’augmenter le nombre de lycées partenaires lors de la réforme d’admission ayant eu lieu cet été – montre bien à quel point l’école veut diversifier le profil de ses étudiants.
Cette promotion sociale initiée grâce aux procédures d’admission, Sciences Po l’effectue aussi avec son programme « Premier Campus » qui permet à une cohorte de lycéens boursiers d’être accompagnés tout le long de leur scolarité, qu’ils veulent entrer à Sciences Po, ou non. J’espère alors que vous comprenez mieux pourquoi votre admission n’aura rien de révolutionnaire, et qu’il n’y a rien de honteux à tenter sa chance, même si je suis convaincue que l’un des éléments qui vous rebute est la réaction de vos proches si vous veniez à échouer.
Au pire, vous aurez perdu un peu de temps, n’aurez pas de regrets mais serez carrément dégoûté·es pendant un petit mois. Au mieux, vous serez admis·es. Dans tous les cas, vous aurez appris tout un tas de choses que vous pourrez fièrement replacer dans vos copies ou glisser dans vos conversations. Plus encore, vous en aurez appris sur vous-mêmes et aurez toujours cette expérience pour vous rappeler à quel point vous êtes ambitieux·ses, déterminés·es et persévérants·es.
- Jaugez les probabilités… et dédramatisez.
Qu’on soit bien clair : 2 étudiants·es sur 10 sont admis à Sciences Po. On a tendance à se dire que l’école n’est réservée qu’à une poignée d’élus·es alors qu’un lycéen sur 5 qui candidate en devient étudiant·e. Alors oui, je sais, cela reste encore sélectif. Toutefois, qu’est-ce qui vous empêche de penser que vous ne pouvez être cet étudiant·e-là ? Vous demandez pourquoi ce serait le cas serait une angoisse légitime. Cependant, 20 000 étudiants·es essaieront encore sans aucun doute d’intégrer Sciences Po l’année prochaine, alors pourquoi pas vous ?
La réalité demeure que vous avez plus à gagner qu’à perdre. En 2018, les admis·es français étaient issus de 1585 lycées différents, en majorité hors de la région parisienne (61 % d’eux n’étaient pas d’Île-de-France…). Ne seriez-vous pas là en train de vous créer vos propres barrières ? Être issue de banlieue, de province ou même d’outre-mer ne serait pas là votre prétexte parce que vous avez surtout peur d’être déçu·es ?
Dès lors, la dernière chose qui pourrait vous retenir serait la question financière. Évidemment, Sciences Po y a pensé aussi : à quoi cela servirait-il d’encourager d’autres lycéens·es à candidater si ces derniers·es ne peuvent pas se permettre l’école financièrement. Si vous en êtes encore aux préludes de vos recherches sur l’institution, vous devez encore ignorer qu’un·e étudiant·e sur trois à Sciences Po ne paie aucun frais de scolarité. Ces étudiants·es souvent boursiers touchent d’ailleurs un complément versé par Sciences Po qui les accompagne durant leur scolarité.
Alors qu’attendez-vous ? Sciences Po ne vous est pas inaccessible si tant est que vous souhaitez y être admis. Vous avez tous – qu’importe d’où vous venez – au moins un avantage non-négligeable qui intéressera les jurys d’admission. À vous de le découvrir et de l’entretenir précieusement.
Enfin, vous n’avez pas à effectuer ce bout de chemin vers l’admission seuls·es. De nombreuses associations existent pour vous aider dans vos démarches et il y a sur notre site les réponses à beaucoup de problématiques entourant l’admission à Sciences Po. Vous pouvez aussi accéder à des groupes d’entraide sur Facebook et bénéficier d’un étudiant de Sciences Po qui saura vous conseiller pendant votre candidature, que ce soit via notre programme de mentorat ou par celui de CEP+ ou Prométhée Éducation par exemple. Bref, les cartes sont en vos mains.
Tribune publiée par Éléna Pougin